Biographie, roman policier…chroniques littéraires pour faire connaissance avec une super héroïne dénommée Angela Merkel !
(Titre original : Miss Merkel, Mord in der Uckermark / 315 pages, Éditions Kindler 2021)
Après seize années de bons et loyaux services à Berlin, Angela Merkel a dit Tschüss à ses ministres, à ses citoyens et retourne vivre dans sa région natale de l’Uckermarck (dans le Brandebourg). Entre balades en forêt, jardinage, pâtisserie et ramassage des crottes de Poutine, son carlin, la vie est paisible dans la petite ville de Klein-Freudenstadt. Peut-être un peu trop au goût d’Angie, qui se trouva fort dépourvue quand la retraite fut venue. Pas facile de passer de la vie bien remplie de chancelière à celle de provinciale / jeune retraitée pas tout à fait anonyme…
Mais lorsque le baron Philipp von Baugenwitz est retrouvé mort empoisonné dans le cellier de son château lors d’une fête médiévale, c’est l’occasion de se remettre au boulot. De l’action, enfin ! Un nouveau dossier à traiter. Et les suspects ne manquent pas. Entouré de harpies, le baron était en fait un véritable lover. Pas plus apprécié des locaux, Monsieur le Baron projetait de vendre le château aux ricains.
Flanquée de son mari Joachim Sauer – Achim pour les intimes – de son bodyguard Mike et de son chien (car oui, Mutti a entre-temps vaincu sa peur panique des toutous), Angela va jouer les Sherlock ou les Miss Marple…! Et lâcher l’affaire, c’est vraiment pas la politique de la maison !
«Meurtre d’un baron allemand» c’est ce qu’on appelle un «cosy mystery», un polar oui mais rural, léger et drôle. Et accessoirement un best-seller. Réminiscences sur la vie au turbin, souvenirs de sommets européens et petites pichenettes en passant à ses anciens homologues distillés tout au long de l’enquête, Angela balance un peu !
Sobriquets affectueux, petits rituels et savoureux échanges entre elle, son mari et son garde du corps, Angela est irrésistible ! Rigolote, facétieuse, mais toujours aussi appliquée et tenace, bref attachante. On passe un excellent moment en sa compagnie.
Je l’ai lu en allemand et je me suis bien marrée. Références à l’actualité, à sa carrière politique, aux egos surdimensionnés croisés durant seize ans, le tout transposé à l’échelle – et avec beaucoup humour – d’une petite bourgade de l’ex-RDA. Et suspens et rebondissements jusqu’aux dernières pages ! Après ça, on a bien envie de reprendre une petite part de Butterkuchen avec supplément Schlagsahne (gâteau au beurre avec chantilly). Ça tombe bien « Six pieds sous terre » la seconde enquête de Miss Merkel vient de sortir !
David Safier a travaillé comme scénariste et a produit la série « Berlin, Berlin !» une série diffusée au début des années 2000 (que j’aimais d’ailleurs beaucoup, le reboot est bien pourri en revanche). Il semblerait d’ailleurs qu’une adaptation télévisuelle de Miss Merkel soit en cours…A suivre !
(322 pages, Éditions les Arènes 2021)
Première chancelière d’Allemagne, au gouvernail pendant seize ans, la femme la plus puissante d’Europe et du monde a tiré sa révérence fin 2021. Marion Van Renterghem est nostalgique des années Merkel et s’interroge : que retiendra-t-on de ses quatre mandats? Qui est vraiment Angela Merkel ? Comment cette femme ordinaire a-t-elle mis les pieds dans la marmite politique ? Comment passe-t-on de la tête du parti conservateur de la CDU à celle de la chancellerie ?
La personnalité d’Angela Merkel se décrypte et se construit dans son enfance passée à l’est, sous la dictature communiste de la RDA. Fille de pasteur protestant, Angela grandit à Templin dans le Brandebourg. Une enfance heureuse, marquée par la religion et le totalitarisme. La politique est venue sur le tard pour celle qui se destinait à une brillante carrière de scientifique. C’est pile après la chute du mur de Berlin que la femme politique prend le dessus, sa fascination la rattrape. Malgré un doctorat en poche, elle n’hésite plus, plaque la physique quantique et met les voiles pour Berlin.
Angela Merkel, c’est celle que l’on n’a pas vu arriver. En 1989, elle déboule un jour dans les locaux d’un groupe d’opposition dont elle se sent proche, le « Demokratisher Aufbruch » (renouveau démocratique). Mal fagotée, mal coiffée, passe-partout, l’air inoffensif mais sérieux, elle n’inquiète personne. Mais elle avance pas à pas, tranquillement. Elle sort du lot, ses compétences et ses qualités font mouche. Elle devient le porte-parole du mouvement. Puis le bras droit de Lothar de Maiziere, premier et dernier chef du gouvernement de la RDA élu démocratiquement et chargé de préparer l’Allemagne réunifiée avec Helmut Kohl…Kohl, son mentor, qui lui confie le Ministère des Femmes et de la Jeunesse puis celui de l’Ecologie. Celui auprès de qui elle apprend les ficelles du métier et qu’elle finira par faire vaciller.
Certainement lenteur, calme, patience et intelligence tactique, ses plus grandes forces. Sa ligne conductrice ? « Ne pas se presser, analyser d’abord, agir ensuite ». Sa formation de physicienne lui permet d’analyser les situations, son calme et sa pensée rationnelle de gérer les conflits sans se laisser submerger par ses émotions. Elle rassure et inspire confiance. Elle sait ce que signifie le compromis et sait rassembler autour d’elle pour « chercher ensemble la solution». Merkel c’est aussi une fine observatrice. Elle apprend, écoute, elle retourne les sujets dans tous les sens pour mieux les maitriser, quitte à devenir incollable. Modeste, travailleuse, claire, concentrée sur l’essentiel et toujours pertinente. C’est elle la boss !
Une femme dans un monde d’hommes vaniteux. La seule personnalité politique à avoir connu deux systèmes : la dictature et la démocratie. Une femme de principes et de valeurs, qui conjugue le meilleur des deux Allemagnes. Et la liberté, le droit, la vie humaine, ses trois piliers.
Merkel c’est aussi femme simple, qui ne fait pas la différence entre citoyens et grands de ce monde et qui n’oublie pas d’où elle vient. Le clinquant, l’ostentatoire, c’est pas sa came. Une femme ordinaire, qui protège farouchement sa vie privée et passe ses week-ends dans sa datcha, fait ses courses au supermarché sans garde du corps. Pas le genre non plus à discuter chiffons ou à faire de l’ombre à Melania ou Carla. Une bonne vivante, une rigolote passionnée de Russie – elle maitrise le russe à la perfection – et de musique classique. Ses péchés mignons ? La poularde de Bresse, les fromages et les vins français qu’elle achète aux Galeries Lafayettes.
Alimentée par les témoignages recueillis auprès d’amis d’enfance, de collègues, “d’hommes-ologues” et politiques, la biographie écrite par la journaliste Marion Van Renterghem – et qui ne tarit pas d’éloges – est le fruit de plusieurs années de recherches, car Angela Merkel refuse de rencontrer les journalistes qui rédigent ses mémoires. Cet ouvrage vient compléter sa première biographie écrite en 2017 «Angela Merkel, l’ovni politique».
Pas besoin d’être pro-Merkel, militant ou passionné de politique pour s’intéresser à cette femme hors du commun, son portrait se dévore d’une traite. Au fil des pages, on découvre son tempérament, sa façon de réfléchir, d’agir, de gouverner. « C’était Merkel » c’est une bio accessible et pas barbante qui apporte un éclairage sur une longévité exemplaire. Quand les gouvernements se succèdent chez les voisins européens – «trois petits tours et puis s’en vont» – ou dans le monde, il est intéressant de voir comment et à quel point la personnalité d’un leader contribue à la stabilité politique. Pas d’esbroufe et Angela a l’étoffe des grands ! Un portrait qui la rend attachante, encore plus respectée et admirable.
*NDLR : *Ossi = allemand de l’est, Wessi, allemand de l’ouest) – “Muttiviert” : jeu de mot entre “motiviert”, qui signifie motivé en allemand, et Mutti, sobriquet attribué à Angela Merkel.
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